Historiques » Historique de l’arbalète

Arbalète vient du latin arcuballista, composé de arcus, « arc », et ballista, « baliste », « machine à lancer des projectiles ». La baliste pouvait envoyer différents projectiles, notamment des traits, des carreaux (des flèches d’arbalète à fer en losange à quatre pans). Son nom évoque l’aiguillon de la première nageoire dorsale de poissons qui se tend brutalement pour frapper un ennemi. Baliste est d’ailleurs aussi le nom d’un poisson réputé venimeux.

La force de pénétration des flèches d’arbalète ne le cédait en rien à celle des fameux arcs gallois, qui anéantirent notamment la chevalerie française à Azincourt, en 1415.

Il existe plusieurs modèles d’arbalète, dont certains sont encore utilisés, semble-t-il, par des services spéciaux. La pratique du tir à l’arbalète est par ailleurs un sport recherché, mais à pratiquer avec prudence. Si le tireur amateur a tendance à être distrait, l’entourage a tout intérêt à « se tenir à… carreau » !

Arbalète (n. f.)

 

 

 

 

 

  1. Arme de trait, arc puissant monté sur un fût et bandé à l’aide d’un mécanisme (moufle, cric ou levier). Tir à l’arbalète.
  2. (Marine) Instrument, remplacé aujourd’hui par le sextant, dont on se servait pour mesurer la hauteur d’un astre au-dessus de l’horizon.

Arbalétrier (n. m)

  1. Anciennement, soldat armé de l’arbalète.
  2. (Construction) Chacune des deux poutres inclinées suivant la ligne de la plus grande pente d’un toit et soutenant les pannes et la couverture.

Arbalétrière (n. f)

(Fortification) Ouverture étroite, évasée vers l’intérieur, pratiquée dans une muraille pour tirer à l’arbalète.

Arc (n. m)

Arme constituée d’une pièce longue et mince en matière élastique, courbée par une corde assujettie à ses deux extrémités et servant à lancer des flèches. Bander un arc avant de décocher une flèche. Loc. fig. Avoir plusieurs cordes à son arc: disposer de plusieurs moyens pour parvenir à un but; avoir des talents variés.

Depuis le début des temps

Voici une cinquantaine de milliers d’années environ, l’homme, selon toute vraisemblance s’est posé une question : comment lancer une pierre taillée en pointe de façon à abattre un animal d’aussi loin que possible ? La lance munie à son extrémité d’une pierre tranchante avait donné d’excellents résultats. Elle permettait de harponner des poissons et de tuer les petits animaux qui se cachent dans des terriers ou vivent dans les arbres. Projetée à distance par un bras puissant, elle pouvait atteindre un animal et le tuer. Néanmoins, quelles que fussent l’adresse du tireur et sa force physique, la portée de cette arme demeurait assez limitée : une douzaine de mètres au plus.

Il fallait trouver autre chose. L’homme remarqua alors que les branches de certains arbres pouvaient être courbées à la force du poignet, mais qu’elles reprenaient leur forme initiale aussitôt relâchée. Cela lui inspira un autre moyen d’envoyer ses lances, un moyen bien plus efficace que les muscles de ses bras. Il imagina de réunir par une liane les deux extrémités d’une branche : l’arc était né. Dès lors il pouvait viser avec précision et abattre un animal à une quarantaine de mètre.

Avec le temps, l’arc et la flèche allaient composer une arme à la fois offensive et défensive. L’homme pouvait attaquer l’ennemi en restant caché. L’infanterie pouvait progresser à l’abri des volées de flèches que les archers décochaient à l’adversaire. L’arc se muait en arme défensive lorsque les flèches étaient lancées de haut sur l’assaillant venu de la vallée ou assiégeant une citadelle.

Plusieurs siècles avant notre ère, l’armée perse fut probablement la première à organiser des unités d’archers munis de flèches de guerre, plus petite que les flèches de chasse. Déjà les archers s’équipaient de carquois dans lesquels se trouvaient leurs munitions. Une très belle terre cuite polychrome du palais d’Achémédes, à Suse en offre une remarquable illustration.

Les Grecs devaient faire un large usage des arcs et des flèches dans les batailles. Leurs arcs étaient faits de branche d’orme, de frêne et de noisetier, mais parfois aussi de métal, ou de corne. La mythologie grecque fait une large place aux Amazones armées d’arcs et de flèches. Celles-ci furent conduites par deux célèbres reines Hippolyte et Penthésilée. Dès l’adolescence, les Amazones se comprimaient (et non coupaient) le sein droit, pour mieux pouvoir tirer à l’arc. Achille, Thésée et Hercule se sont disputé l’honneur d’avoir battu les Amazones et d’avoir tué chacun une de leurs reines. Le poète grec Homère, auteur de l’Iliade et de l’Odyssée, a immortalisé Ulysse, possesseur d’un arc que lui seul pouvait tendre. Lorsque Ulysse, méconnaissable rentra à Ithaque, il trouva sa maison envahie par les prétendant de sa femme Pénélope. Il prit son arc et tira une flèche. Pénélope alors le reconnu, sous ses habits de mendiant. Mais bien d’autres histoires d’arc et de flèches nous sont comptées dans les mythologies gréco-romaines.

Ridrigo Diaz de Bivar (1040-1099) fut un ardent défenseur de l’Espagne contre les Arabes. La légende veut que blessé par une flèche à la veille d’un combat décisif, il préféra laisser la flèche dans la plaie et mourir en selle plutôt qu’être immobilisé et guérir loin de la bataille. Ainsi naquit la légende du Cid.

Impossible de narrer l’arc et la flèche sans évoquer Robin des Bois. Lorsque Richard (pas encore Cœur de Lion) (1157-1199) quitta l’Angleterre pour une croisade, son frère Jean tenta d’usurper le pouvoir. Prenant la tête d’un groupe de loyalistes, Robin des Bois, mena un combat sans merci contre l’usurpateur. De nos jours, Robin des Bois reste un héros populaire célèbre.

Pendant les Croisades entreprises par les peuples d’Europe afin de « délivrer » le tombeau du Christ les arcs et les flèches furent encore les armes favorites des adversaires en présence. C’est vers cette époque qu’apparut l’arbalète. Cette arme comprend un arc très puissant remonté par un système mécanique. Déjà connue par les guerriers d’Egypte et de Mésopotamie, l’arbalète lançait très loin des traits enflammés. L’arbalétrier remonte son arme, vise et lâche une gâchette qui libère avec force une lourde flèche.

Le 26 août 1346 demeure une date essentielle dans l’histoire de l’arc et des flèches, autant que dans l’Histoire du monde. 1346 : la Guerre de Cent ans dure depuis neuf ans. Elle a pour cause principale la prétention d’Edouard III, roi d’Angleterre, à régner sur le royaume de France à la place de Philippe VI de Valois. Et le 26 août à lieu la bataille décisive de cette première phase de la Guerre de Cent ans. Près du village de Crécy, au nord d’Abbeville, dans la Somme, les archers précis et rapides du roi Edouard III ont raison des arbalétriers génois de Philippe VI, engoncés dans leurs armures, et surtout de la cavalerie lourde française. Un vrai massacre !

Après avoir joué un rôle capital sur les champs de bataille, les arcs et les flèches furent détrônés par les arquebuses, les mousquets et les bombardes vers la première moitié du 16ème siècle. Pourtant les anglais leur firent encore longtemps confiance. C’est ainsi que leurs archers intervinrent en 1627 dans une bataille qui se déroula dans l’île de Ré puis, à quelque temps de là, alors que fusils et mousquets équipaient déjà les soldats au siège de La Rochelle où les armées royales, conduites par le cardinal de Richelieu, vainquirent l’opiniâtre résistance des protestants français.

Beaucoup plus tard, la flèche et la poudre devaient s’allier fort efficacement et durablement (malheureusement). Cette alliance s’est concrétisée en mer, sur les gros navires spécialisés dans la chasse à la baleine. Les harpons utilisés à cette occasion ne sont jamais que de lourdes flèches métalliques dont la pointe comporte une charge explosive. Lancé par un petit canon, le harpon pénètre dans les chairs de la baleine puis explose, la tuant sans qu’elle ait à subir une longue agonie comme c’était le cas lorsqu’elle était harponnée à bras d’homme.

Car la flèche peut également être utilisée sans l’intervention de l’arc. Dans la forêt sud-africaine, par exemple, les chasseurs envoient des flèches à l’aide d’une arme aussi légère qu’astucieuse : la sarbacane. C’est un bambou évidé à l’intérieur duquel une flèche est glissée au moment de tirer. L’utilisateur souffle avec violence dans l’extrémité appropriée de son « fusil » long de 1,50 à 3 mètres. De leur côté, les indiens d’Amérique du Sud empoissonnent encore fréquemment les pointes de leurs flèches au curare, un poison qui paralyse l’organisme aussitôt qu’il pénètre dans le sang. Mais cette pratique se raréfie. Toutefois l’indien se sert encore souvent de son arc pour chasser le petit gibier qui entre pour une bonne part dans son alimentation.

Mais comment oublier qu’arcs et flèches ont longtemps constitué l’unique armement des Indiens d’Amérique du Nord ? Sitting Bull, Oeil de Perdrix et bien d’autres chefs Peaux Rouges prestigieux, opposèrent longtemps ces armes aux fusils dans l’âpre lutte qu’ils livrèrent au 19ème siècle pour protéger leurs terres de l’invasion blanche.

Le saviez-vous : dans la vieille cité médiévale de Gubbio, en Italie, chaque année les habitants célèbrent le « Palio Dei Balestrieri » ? C’est un concours d’archers venus de tous les coins de la ville et des villages environnants, et vêtus comme au Moyen-âge de cottes de maille.

Arcs et flèches ont donné naissance à plusieurs sports. Le jeu de fléchettes, qui consiste à tirer à la force du poignet des flèches terminées par une pointe métallique contre une cible est encore très pratiqué en Europe. De même que le tir à l’arc est devenu un sport auquel s’adonne un grand nombre d’adeptes, qui exercent ainsi leur adresse, tout en se dépaysant dans le temps.

Notre civilisation moderne ne peut du reste pas se passer de flèches. Nous l’utilisons toujours lorsqu’il s’agit de mettre en évidence un détail particulier. Les panneaux de signalisation routière font fréquemment appel à la flèche. Beaucoup de trains rapides portent des noms comme « la flèche d’Or », ou, la « flèche d’Argent ». Il n’est pas jusqu’aux sentiments humains qui échappent à la flèche. Le malicieux Cupidon se sert-il d’une autre arme lorsqu’il cherche à unir deux êtres par les liens de l’Amour.